Vs
Ses doigts tapaient sur le clavier de son cellulaire. Désolé... Un simple mot qui exprimait quoi ? Désolé d'être occupé. Désolé de ne pas venir manger. Désolé... de s'éloigner de la maison du Christ, de s'éloigner de sa tante qui la protégeait comme si elle était sa propre fille. Simplement désolé... Elle fixait le mot. Le seul qu'elle ait pu répondre à la demande de sa tante. Il n’y avait aucune explication à donner. Ce qu’elle ressentait n’était qu’un vide immense au creux de ses côtes. Elle ne voulait pas y penser. Pas revoir ce visage chagrinée qui devait s'être penchée sur son propre cellulaire pour lui souhaiter une bonne session. Qu'espérait-t-elle que sa nièce lui dise. Qu'elle acceptait son déménagement ? Qu'elle était heureuse de recommencer à zéro avec un =] qui ne voulait rien dire à ses yeux. Ses iris dévisageaient son reflet qui se glissait sur les diodes bleuis de son message. Ulyssandra soupirait, se laissait aller de tout son poids contre les couvertures du lit qui s'enfonçaient sous elles. Il était trop tard pour revenir sur sa décision. Pour lui dire quelque chose de plus gentil ? Après tout, si sa tante souffrait, c'était à cause de l'égoisme de la jeune fille. De sa mauvaise manie de tout accepter sur son chemin, de dévier de ses propres buts pour s'enfoncer dans une redemption manquée.
J'ai un logis... Il est magnifique et donne sur la ville... Dis bonjour à mes copains de ma part.
Ulys effaçait les mots l'un après l'autre. Elle avait voulu fuir pour éviter ses proches de souffrir. C'était le contraire qui se prolongeait. Son départ sur l'embarcadère avait été des plus douloureux pour elle qui promettait de les revoir, sous les cajoleries... Elle refermait d'un coup son cellulaire rouge, le jetant sur son oreiller. Elle se relevait, allait vers sa glace. Non, les revoir dans sa mémoire la faisait souffrir. Il n'y avait pas eu d'autres sacrifices plus humains.
Elle détournait son regard de la vitre qui lui renvoyait l'image d'une fille malheureuse. Elle saisit sa brosse la plus proche et son fer pour discipliner sa chevelure. Changer ses idées qui s’évaporaient sous les paillettes du fixatif, du parfum à la vanille qu’elle s’appliquait à ses poignets, son cou. À peine fut-t-elle satisfaite du résultat, qu'elle se passait un bandeau.
Son cellulaire se mettait à résonner dans le silence. Ulyssandra se tournait vers lui... Qui voudrait bien lui parler à cette heure ? Elle s'en approchait le cœur battant, hésitante jusqu'à la dernière sonnerie, avant de lui répondre avec une facilité étonnante qui dissimulait son embarras :
«Oui ? Qui est-ce ?»
Le répondant raccrochait. Ulyss laissait la sonnerie résonner au creux de son oreille, l’écoutant comme une musique jusqu’à ce que le son l’énerve. Ce qu’elle espérait un jour avoir la même résonance calme, monotone. Le répondant raccrochait. Ulyss laissait la sonnerie résonner au creux de son oreille, l’écoutant comme une musique jusqu’à ce que le son l’énerve. Ce qu’elle espérait un jour avoir la même résonance calme, monotone. Sans aucune pensée de remords, sans aucune pensée de toute sorte. Comme quand elle flânait dans les rues du bourg, faisant les vitrines. Elle se sentait libre, sans attaches et aucune préoccupation ne venait la troubler.
La jeune femme regardait la date sur son cadran numérique : 10 heures, Dim. D'un coup angoissant, elle vérifiait rapidement si sa tante ne lui aurait pas répondu. Il n'y avait rien dans ses courriels... Elle le refermait encore une fois. Elle pouvait bien se permettre de se changer ses idées en allant faire les vitrines aujourd'hui. Trois jours à se morfondre dans un train et un logis n'étaient guère encourageant pour sa santé. Il lui fallait un nouvel air. Il lui fallait une séance de vitrines. Peut importes si elle en revenait les mains vides ou pleines… Ulyssandra optait pour sa robe à coupe des années 20 avec motifs en cercles et col en dentelle, surmontée d’un coat beige. Elle avait même réussie à trouver ses bagues de trèfles et de losanges qui s'harmonisaient avec les motifs de son sac à main, elle s'avançait vers sa glace, lissant tous les plis, ajoutant sa touche de rouge à lèvres avant de s'enfuir vers sa porte.
Dlink Dling.
San avait poussé une porte quelconque d'un magasin qui au premier abord lui avait semblé étrange et invitant par ses mannequins aux multiples tenues. Où elle posait son regard tous les vêtements semblaient être les rois ici. Une ''Friperie moderne'' voilà comment, elle la décrirait maintenant mais encore là, ce mot n'était pas tout à fait au point. D'immenses peluches sur le présentoir la saluèrent à son passage et comme de fait, il avait fallu qu'elle débarque avec ses teintes de crème et de bleues. Une caissière s’avançait vers elle, mais poliment elle refusait son aide. Pliée en deux devant l’air boudeur de la jeune fille, les larmes aux yeux et indifférente aux regards intriqués elle traversa une allée pour se retrouver dans un énorme rayon. Dites donc, il en avait du choix par ici. Des capuches à oreilles de chat, des gants griffées, des colliers et là trônait un morceau qui attira le regard de la brunette. Ses mains soupesa le vêtement, une sorte de jeans en cuir, griffé de haut en bas. Elle eut une moue quand elle découvrit que cet habit était destiné à un homme, elle le reposa à contrecoeur sur l'étalage et resta là indécise. Puis elle la vit. Oui oui, cette robe troué, recousue de patch de dentelles, ceinture en pique, boutons en têtes de mort. La grande classe… Ulyssandra précipitait son pas pour l’observer, tendant sa main sur le tissu. C’est alors qu’elle entendait des talons dans son dos, mais elle ne se retournait pas aussitôt, elle continuait à fixer cette splendeur qui devait être exorbitante. Jusqu'à ce que son maudit cellulaire se remettre à sonner comme une alarme, elle portait la main à son sac, en sortant son portable et remarquait une personne derrière elle... Elle finissait par répondre à l'appel. C'était sa tante...